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QUATRIÈME PARTIE.

dans la direction de Montrath, et dont il accusait déjà la lenteur.

Morris était accablé par la fatigue physique presque autant que par le découragement. Il y avait plusieurs nuits qu’il n’avait fermé l’œil ; car, avant ce choc qui avait réveillé violemment sa passion assoupie, et détourné complétement le cours de ses efforts, il avait dépensé sa vigueur avec un dévouement prodigue, et s’était pris corps à corps avec une tâche au-dessus de la force d’un homme. Il avait donné à l’Irlande sa vie tout entière, ses jours et ses nuits.

Le cri de détresse de la pauvre Jessy, entendu tout à coup, avait parlé plus haut à son cœur que la voix de la patrie. Il oubliait tout maintenant pour se donner à Jessy qui l’appelait, mourante. Mais, outre que nulle voie de salut ne se présentait où il pût marcher assurément et vite, les forces de son âme et celles de son corps faisaient défaut à la fois.

Sa vaillante jeunesse se fût bientôt réchauffée au moindre rayon d’espoir. L’espoir manquait comme tout le reste. C’était un cri d’agonie entendu dans une nuit sombre. Morris ne savait où diriger son effort aveugle ; il ne savait de quel côté presser son pas alourdi par la fatigue.