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TROISIÈME PARTIE.

Il eût fallu attendre huit jours le départ du paquebot allant à Cork. Mistress Wood, incapable de s’arrêter pour si peu, fréta un steamer tout entier, à condition qu’il appareillerait le lendemain à la marée.

Sur ce bâtiment, elle embarqua sa voiture, ses chevaux, ses huit laquais et ses femmes.

Au lever du jour, Mary Wood était montée triomphante sur le pont de son paquebot. Largesse à l’équipage ! C’était, nous l’avons dit, une femme généreuse qui prodiguait volontiers les guinées du malheureux lord George.

Elle s’installa dans sa cabine, luxueusement ornée, avec une ample provision de rhum et de madère. Durant la traversée, elle ne fut point oisive ; elle visita ses chevaux, regarda ses grands laquais, se promena sur le pont, dîna six heures par jour et but le reste du temps.

Les matelots du paquebot déclarèrent après ce voyage qu’ils n’avaient jamais vu lady porter si glorieusement le rhum.

La fortune devait une traversée douce à une créature si méritante. Le voyage fut heureux ; nulle tempête ne vint secouer l’ivresse béate de la bonne Mary, et ces trois jours de mer lui firent à peu près l’effet d’une nuit plus longue, après de plus copieuses libations.