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LE CHATEAU DE MONTRATH.

Pauvre enfant ! que sa plainte était douce ! comme elle ignorait le reproche ! et que de bel amour il y avait dans son martyre !…

Le nom de Morris était à chaque ligne. Dans sa détresse mortelle, c’était sa consolation et son appui. Du fond de sa misère, si sa prière s’élevait vers Dieu, c’était pour Morris autant que pour elle ! Et qu’elle souffrait pourtant ! que son agonie était lente et cruelle !…

Morris vit son enlèvement sur le lac Corrib ; il lut avec des tressaillements de colère le récit de l’orgie dans le château de Montrath. Il se mit à genoux et bénit Dieu, en arrivant à ce passage où Jessy, protégée par l’ivresse du lord, passait une nuit, tranquille et sanctifiée par l’oraison, à quelques pieds d’une couche impudique…

Puis vint le voyage de Londres. Il vit Jessy derrière une fenêtre, à la villa de Richmond, épiant son arrivée et remerciant Dieu qui lui envoyait le salut…

Hélas ! remerciant Dieu trop tôt ! car cette main qui devait la protéger l’avait poussée tout au fond de l’abîme !…

— L’honneur ! disait Morris, blasphémant, à cette heure désespérée, ce qui avait été sa religion toujours ; que m’importe l’honneur ! Ce