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TROISIÈME PARTIE.

Cela est si frêle et si suave ! Leurs pieds mignons touchent-ils à la terre ? Ces corps de sylphides sont-ils nourris par les grossiers aliments de l’homme ?

Hélas ! oui. Seulement, l’homme le plus robuste aurait peine à manger ce qu’engloutissent ces anges.

Elles passent leur vie à rêver, à dévorer d’énormes tartines, et à boire un océan de thé.

Lady Montrath avait le coude appuyé sur son bureau et son front se penchait dans sa main.

Les tentures bleues du boudoir donnaient une blancheur mate à son joli visage.

Ses yeux, à demi fermés, glissaient entre les rideaux de sa fenêtre et couraient, distraits, au dehors.

Devant elle, sur la tablette du secrétaire, il y avait un cahier de vélin où se séchaient quelques lignes d’une écriture fine et pointue.

Lady Georgiana, comme presque tous les anges pâles dont nous parlions naguère, faisait de longs petits romans fashionables, fades et interminables récits écrits avec une goutte de la bonne encre de Bulwer, délayée dans une immense quantité d’eau sucrée ; fashionables rapsodies dont les héros ont des talents de tailleur,