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DEUXIÈME PARTIE

voyais votre haute taille courbée sous l’épuisement et le chagrin, votre front pâle et votre regard morne. Je voyais sur vos épaules le carrick d’Irlande, à vos pieds la chaussure du Galway, et votre chapeau rond des jours de fête, et votre brave shillelah, si redouté des méchants, et vos longs cheveux, Morris, que le vent apporta tant de fois, douce et bonne caresse, sur mon visage souriant !…

« Vous étiez là. Jamais je ne vous avais tant aimé. Il semblait que ma main étendue allait toucher vos vêtements. Mais il y avait entre nous deux un obstacle invisible et qu’on ne pouvait point franchir…

« Malgré la menace de la servante saxonne, milord ne s’occupa point encore de moi le lendemain. Je vous attendis tout le jour, Morris, derrière les rideaux de ma fenêtre, et je vous attendis en vain.

« Mais le soir, oh ! que de joie et que d’espérance ! Tout en bas de la colline, à l’endroit où je vous avais aperçu la vieille, un groupe de voyageurs s’avançait. Un vieillard aux longs cheveux blancs, huit jeunes hommes forts et une belle fille qui portait haut sa tête fière.

« Des carricks, des shillelahs, une mante rouge !