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LES SAXONS.

anglaise me servait et m’adressait la parole avec des respects ironiques.

« Une nuit, on avait dérobé mes habits irlandais et j’avais été obligée le lendemain, pour me couvrir, de prendre les vêtements d’une lady. C’était bien peu de chose au milieu d’un si grand malheur, mais il me sembla qu’on m’enlevait ainsi le dernier lien qui m’attachait à l’Irlande !

« Ces habits, vous les aviez touchés, Morris ; vous les aimiez ; c’était avec eux que nous avions fait nos longues promenades, si douces et tant regrettées ! Ils me parlaient des sentiers étroits du Mamturck, des vastes pelouses qui sont entre le pied de la montagne et les bords du lac Corrib ; ils me parlaient d’Ellen, de Mill’s, mon père d’adoption, et de nos frères ; ils me parlaient de vous !

« Corrib, Mamturck, Mill’s, Ellen, ô noms chers et bien aimés ! que j’aime à les prononcer ! et qu’ils évoquent en moi de bons souvenirs !…

« J’étais presque toujours seule. Mes heures se passaient à regarder la campagne. C’était beau, mais cela ne ressemblait point au Conaught ; l’habit des paysans était plus riche et tout autre ; les sentiers frais qui tournaient autour de la colline étaient d’ailleurs plein de