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DEUXIÈME PARTIE

viez bien que ma bouche n’avait jamais prononcé un mensonge.

« Oh ! pourquoi n’êtes-vous pas venu ! pourquoi !…

« Et pourquoi ne me suis-je pas élancée vers vous, moi, pauvre folle !…

« Mais, vous le savez, Morris, votre père m’avait prise orpheline. Je n’avais point droit à dormir sous le toit de Mac-Diarmid. Et, s’il vous plaisait d’éloigner une parente indigente, je devais souffrir et me taire.

« Pardonnez-moi ! ce fut un faux orgueil, puisque je connaissais voire cœur généreux. Mais le sang d’O’Brien est fier aussi, et mes aïeux, comme les vôtres, s’assirent sur un trône…

« Pardonnez-moi ! j’ai tant souffert !

« L’orgie continuait. Mes malheureuses compagnes buvaient sans avoir la conscience du péril qui les menaçait. Elles mêlaient aux rires des amis de lord George les éclats de leur extravagante gaieté.

« Moi, je savais quel sort nous attendait ; l’instinct que Dieu a mis en nous autres femmes avait parlé ; je pouvais mesurer ma misère, et pourtant, oublieuse de ma propre détresse, j’avais compassion de ces pauvres filles qui, un