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DEUXIÈME PARTIE

« Je ne pouvais plus ni bouger ni faire entendre un son.

« Vous dûtes passer bien près de nous en revenant à la maison du Mamturck, Morris. Peut-être entendîtes-vous de méchants éclats de rire dans la brume. Les hommes de la barque me touchaient, me regardaient et discutaient sur moi comme nos fermiers d’Irlande discutent sur la valeur d’un bœuf au d’un cheval.

« Et comme l’un d’eux en me voyant pleurer, se prit à me plaindre, les autres le raillèrent cruellement.

« Je pense que ces gentlemen ne regardent point les Irlandais comme des hommes, et qu’une pauvre femme du Connaught est pour eux un être inférieur, peu différent des animaux sans raison.

« Ils parlaient de mon corps comme s’ils eussent ignoré que j’avais une âme à l’image de l’âme de Dieu.

« J’étais pour eux une proie conquise, un gibier pris au piège,

« Combattez, Morris ; oh ! mettez une arme dans la vaillante main de l’Irlande, car l’orgueil de l’Anglais ne vous admettra jamais au rang d’homme, à moins qu’il ne connaisse votre force, enfin, aux coups mortels de vos épées !