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DEUXIÈME PARTIE

Et alors, refermant son cœur sur l’image adorée de la morte, il repoussait lord George l’assassin hors de sa voie, comme le penseur écarte du pied l’obstacle importun qui lui barre la route.

Se venger d’un homme était trop peu pour lui…

En ce moment où les instincts changeants et la courte vue de cette foule qui l’entouraient se montraient à lui sans voile, Morris Mac-Diarmid sentait le doute et la pitié emplir son âme. Il était seul, tout seul parmi cette tumultueuse cohue. Par instant, sa tâche commencée lui semblait un rêve impossible.

Il ne savait plus s’il était dans la vraie voie. Il se demandait si O’Connell n’avait pas mieux compris l’impuissance de ce peuple enfant, et si mieux ne vaudrait point même attendre du temps et de la vaste raison de Robert Peel un remède aux maux intolérables de l’Irlande.

Mais il était Irlandais. Il ne croyait point à O’Connell, et tous ses instincts se révoltaient contre le bienfait qui tomberait d’une main anglaise.

Il fallait combattre, combattre toujours : O’Connell, Robert Peel et ses propres frères !

Et Morris se disait, dans l’orgueil indompté de sa force : « Je combattrai ! »