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LES SAXONS.

nous irons loin, bien loin dans le pays des traîtres Saxons, où les enfants de Gib ne manqueront jamais de pommes de terre…

Su et Paddy dévoraient, ils n’avaient garde de comprendre.

Gib tira de sa poche une petite gourde où il y avait du potteen. Il l’approcha lui-même tour à tour de la bouche des deux enfants qui burent avidement.

Et Gib riait lui-même d’un rire d’enfant.

— C’est bon ! c’est bien bon ! répétait-il ; mais le pauvre Roe n’est plus un Irlandais… ça lui coûte cher !… Il faudra qu’il passe le canal comme un méchant… comme un traître middleman, engraissé avec du sang et qui fuit le couteau des vengeances !… Oh ! mais ce n’est pas pour lui que Gib a fait cela !… Les enfants avaient faim et soif… Dieu aura pitié du pauvre Gib !

Il levait ses yeux vers le ciel avec une expression de prière ardente. Sa physionomie avait changé complètement. Ce n’était plus cet air humble et cauteleux que nous lui avons vu à l’auberge du Roi Malcolm et dans la galerie du Géant. Sur sa figure maigre et ravagée il y avait maintenant une fierté puissante et un dévouement tout plein de passion.