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LES SAXONS.

gita dans son sommeil ; puis il se dressa tout à coup comme avait fait sa sœur, et saisit à deux mains sa maigre poitrine.

— Oh !… oh !… dit-il, — j’ai grand’faim, seigneur Jésus !

La petite fille gémissait et pleurait.

— Qu’avez-vous, ma sœur Su ? demanda Paddy en se glissant sur la paille ; il ne faut pas pleurer… voyez, je ne pleure pas, moi !

La voix du pauvre enfant tremblait et ses paupières creusées rendaient de grosses larmes.

— Paddy, mon petit frère, murmura Su dont la voix semblait faiblir, on dit que cela fait mal de mourir… et je souffre bien !… Je crois que tu vas rester seul dans les bogs…

Paddy jeta ses bras autour du cou de sa sœur.

— Je t’en prie ! je t’en prie, s’écria-t-il, ne m’abandonne pas !… Je suis un homme, moi, et je serais bien longtemps peut-être avant de souffrir assez pour mourir…

Les deux enfants se tinrent embrassés durant quelques secondes.

Su regarda son frère en essayant de sourire.

— Me voilà mieux, dit-elle ; nous passerons cette nuit comme les autres et peut-être notre père Gib apportera de quoi manger demain matin.