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DEUXIÈME PARTIE

une fierté douce, une résignation facile et comme un reflet de cette gaieté vaillante, si belle chez l’homme qui souffre.

Mill’s n’avait rien perdu quant au luxe, rien perdu quant au confortable de la vie, car le luxe et le confortable étaient inconnus à la ferme du Mamturck. Le lit dur de sa prison ressemblait à la dure couche de la ferme. Mill’s n’était point comme ces heureux du monde qui, précipités tout à coup, tombent des hauteurs de la richesse sur la terre froide d’un cachot.

Il n’avait fait que changer de demeure ; il avait quitté quatre murailles nues pour une retraite semblable, et le vide austère de sa cellule ne lui donnait rien à regretter.

Mais il avait vécu soixante ans sur la grande montagne ; il fallait à ses poumons l’air libre et pur, à sa vue l’horizon vaste, à son cœur les aspects connus du lieu paternel.

Il avait perdu autant que le riche.

Tout lui manquait : le cher toit où était mort son père, les bestiaux aimés, la famille assemblée autour de la table pour le repas du soir, les vieux amis rencontrés sur le chemin, les longues causeries à la louange d’O’Connell, la fatigue des champs, la messe à l’église rustique de Knockderry, le sermon du pauvre curé ca-