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DEUXIÈME PARTIE

sons voisines et vinrent reconnaître au séchoir commun, qui son pantalon, qui sa robe de toile, qui le paletot gris des bons jours.

On se parait pour la fête ; on s’habillait en pleine rue comme aux jours de l’âge d’or. Chaque lambeau trouvait son maître, et c’était chose étrange assurément que de voir ce chemin fangeux changé en boudoir pour la toilette de la misère.

Mais qui donc songeait à la misère ce jour-là ? Vierge sainte ! Hourra pour William Derry ! Hourra pour le potteen ! pour l’usquebaugh ! pour les gâteaux d’avoine ! pour les pommes de terre chaudes et pour le Reppeal !

Hourra ! hourra ! L’Irlande pour toujours !

Pauvre peuple d’enfants ! Ces gens avaient douze heures de joie devant eux. Douze heures ! n’est-ce pas un siècle ?

Morris, perdu dans sa méditation, ne voyait rien de tout cela. S’il l’avait vu, son cœur noble aurait saigné.

Mais il n’avait pas besoin de ce triste spectacle, et son âme avait tout ce qu’elle pouvait supporter de douleur.

Son visage demi-voilé sous ses cheveux disait l’amertume de sa rêverie.

Quand un pauvre homme passait auprès de