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LES SAXONS.

jour le récit de ma peine, et c’est le dernier lien qui m’attache à la vie. Je ne voudrais pas perdre un seul lambeau de toile ; c’est pour vous, pour vous seul ; mais je pétris le pain de ma nourriture quotidienne, je l’étends en plaques minces, et lorsque ces plaques sont séchées j’y trace quelques mots avec un pinceau fait de mes cheveux.

« Et j’avance mon bras par l’ouverture étroite, et je jette la tablette au dehors.

« Où tombe-t-elle ? Il faut des hommes pour produire ce murmure incessant qui frappe mon oreille.

« Beaucoup parmi ces hommes doivent avoir entendu mon appel ; point de réponse. Oh ! ce sont des Anglais !

« Je suis bien jeune et j’aurais été bien heureuse ; mais Dieu met la résignation auprès de la souffrance, et je ne murmure plus.

« Mes jours se passent à parcourir ma vaste prison, à prier et à vous écrire.

« Quand je n’aurai plus de linge où déposer chaque jour un peu de ma tristesse, je souffrirai davantage, mais je me résignerai encore.

« Mon lit est bon ; la nourriture qu’on m’envoie est bien plus que suffisante à mes besoins,