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LES SAXONS.
je ne vous reverrai jamais !
 

« De longs jours se sont écoulés depuis ce jour terrible. Je suis seule, toujours seule ! Je n’ai plus entendu la voix d’un homme. Je n’ai plus revu de créature humaine.

« Ma tombe est vaste. J’ai un lit où me reposer ; j’ai du pain, de l’eau et du linge que je lave moi-même.

« Je n’userai point, je l’espère, tous les vêtements qu’on m’a laissés.

« Morris, me reconnaîtriez-vous ? Je dois être bien changée ! j’ai tant pleuré ! Il y a des mois que mes yeux n’ont pu voir mon visage dans un miroir, mais je puis tâter avec mes mains ma joue amaigrie et suivre le dépérissement de mon pauvre corps décharné.

« Hâtez-vous, Morris, hâtez-vous, si vous voulez me retrouver en vie !

« La mort vient, et que je la bénirais, si vous étiez auprès de ma couche !…

« Mais je mourrai sans vous ! Quelle main généreuse vous porterait ma plainte ? Quelque chose me dit, hélas ! que je suis loin, bien loin de l’Irlande ! L’air que je respire, je ne le connais point ; ce n’est pas, je le sens, l’atmosphère amie de notre Connaught.