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PROLOGUE.

La ligne des terres cultivées fut franchie en quelques minutes. Le poney allait comme le vent. Malgré la disproportion énorme qui existait entre lui et son cavalier, il redressait sa tête avec la fierté d’un cheval de race, et ne s’arrêtait devant aucun obstacle.

Mais ce fut dans les bogs qui commencent entre Headford et Carndulla que se déploya tout son admirable instinct.

Les bogs sont d’immenses marais où les turfcutters (coupeurs de tourbe) taillent la tourbe, qui est en Irlande le chauffage commun. Ces marais sont composés de terrains solides entremêlés de terres meubles et de flaques d’eau croupissantes. On n’y peut faire un pas sans risquer de s’embourber ; et les habitants du pays eux-mêmes ne réussissent pas toujours à surmonter les dangers d’un voyage à travers les bogs en plein jour.

La nuit, ces dangers augmentent naturellement dans une proportion effrayante. Les longs bâtons ne suffisent plus à tâter les terrains mouvants et à parer les fondrières.

Il faut s’arrêter ou donner son âme à Dieu et risquer sa vie à l’aveugle, dans un jeu où l’on a mille chances contre soi…

Le poney allait d’un trot ferme et rapide