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PREMIÈRE PARTIE.

les jambes écartées, comme si le pont mobile de son sloop eût été sous ses gros souliers ferrés.

À la différence des petits fermiers rangés en cercle autour du brasier de bog-pine, il portait les cheveux ras ; son cou musculeux restait à découvert et s’attachait solidement entre deux épaules d’une largeur démesurée. Il avait une bonne figure joviale et franche, où deux yeux noirs surmontés de sourcils épais mettaient un caractère d’intrépidité sauvage.

Du reste, grossier, gauche, balourd, et la joue enflée par un morceau de tabac gros comme une pomme de terre de moyenne taille.

Tel était Lew du Claddagh, le roi Lew, comme il fallait l’appeler.

Car, en vertu d’une vieille coutume qui remonte à l’antiquité la plus reculée, les mariniers du Claddagh de Galway élisent un chef tous les ans. Ce chef a le titre de roi. Il possède des priviléges magnifiques, tels que celui de boire à discrétion, tout en punissant les matelots qui s’enivrent ; de léguer sa besogne, les jours de fête, à tout novice jouissant de sa confiance ; et enfin de conférer le titre de reine à la jolie fille qu’il prend sous sa haute protection.

Les matelots de Galway lui obéissent aveuglément, et ses ordres sont sans appel.