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MAC-DIARMID.

Morris vénérait le haut génie du Libérateur ; mais, à tort ou à raison, il le regardait comme le plus grand ennemi de la nationalité irlandaise, et comme l’appui le plus utile de la domination britannique.

Morris était aussi faible que le Libérateur était fort. O’Connell, dans sa toute-puissance, savait-il seulement qu’un obscur fermier du pauvre Connaught se dressait dans ombre contre lui ?…

Mais Morris avait au dedans de lui une foi robuste, une volonté libre et indomptable. Il écartait un à un les obstacles du chemin. Ceux qu’il ne pouvait franchir, il les tournait avec adresse.

Il prenait les ribbonmen comme ils étaient, mettant une patience infatigable à relever leurs âmes abattues, et abaissant son cœur chevaleresque jusqu’au niveau de leurs sanglantes colères, pour les amener à lui, pour les dominer, pour les acheter.

Et sa force grandissait insensiblement, sans bruit, comme grandit cet arbrisseau débile qui cache sa tête sous l’ombre voisine du vieux chêne, et qui, avec le temps, va devenir le roi de la forêt.

Il se disait, quand parfois son courage menaçait de fléchir :