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PREMIÈRE PARTIE.

de basalte, symétriques et comme alignées, se collaient aux flancs du roc.

La lune éclairait faiblement leurs dispositions bizarrement régulières. On eût dit les tuyaux superposés d’un orgue colossal, placé là pour faire sa partie dans la tempête et mêler sa grande harmonie aux voix tonnantes de l’Océan…

L’œil s’étonne devant ces gigantesques merveilles ; l’esprit les mesure avec effroi ; sous leurs masses écrasantes l’âme se replie, rapetissée.

Puis une voix parle tout au fond de la conscience : on songe au bras puissant qui retient là et suspend au-dessus du vide la prodigieuse colonnade. La pensée de Dieu surgit. L’âme s’agrandit et se relève.

La tradition irlandaise, qui donne à toute chose une origine mythologique, a sa légende pour la miraculeuse architecture de Ranach-Head, comme pour la célèbre chaussée du Géant, sur les côtes de l’Ulster, comme pour les ponts naturels et les noires grottes de Kilkée dans le comté de Clare, et tant d’autres merveilles qui arrêtent partout le voyageur sur les rivages de l’Irlande.

C’est le géant Ranach qui tailla ces colonnes et qui les disposa de façon à s’en faire un esca-