Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 1.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
PREMIÈRE PARTIE.

pâle entre les cimes échancrées des Mamturcks.

La route était solitaire. Le chemin que suivait Ellen était à peine tracé ; l’herbe y croissait, et de fréquentes fondrières lui barraient bien souvent le passage.

Mais elle ne s’arrêtait point.

Son pas, toujours égal et rapide, foulait le sol avec légèreté. À la voir, ainsi drapée dans les plis larges de sa mante rouge, glisser sans bruit sur les sentiers déserts, on l’eût prise pour quel qu’une de ces poétiques apparitions qui descendent parfois des vieilles montagnes du Connaught, et montrent à l’Irlandais superstitieux les fières divinités qu’adoraient ses pères.

La lune montait lentement au ciel et passait sous de petits nuages floconneux dont elle blanchissait la masse transparente. Ellen voyait déjà les profils noirs des Mamturcks mêler leurs lignes confuses à l’horizon ; les monts de Kilkerran grandissaient devant elle ; la voix de la mer arrivait sourde et profonde jusqu’à son oreille.

Elle était à moitié chemin de la maison de Diarmid à la pointe de Ranach-Head.

Cette route est bien longue, mais Ellen était forte ; loin de se ralentir, sa course se faisait à chaque instant plus rapide.

Le feu brûlait toujours au sommet du cap…