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PREMIÈRE PARTIE.

inconnus se parait la nature tant de fois observée !

À vrai dire, Ellen n’était plus seule. Un souvenir l’accompagnait sur le sable d’or des grandes grèves, au sommet dépouillé des monts et sur l’eau bleue des lacs paisibles. Elle s’entretenait avec l’absent, et son amour grandissait jusqu’à lui tenir lieu de toutes les affections qui sont la vie de la femme.

Ellen chérissait toujours sincèrement son père d’adoption et ses frères, mais tout se voilait devant l’image adorée de l’Anglais.

Elle l’aimait tant, et sa pensée se complaisait avec lui si ardemment, que rien ne pouvait l’en distraire. Elle l’avait aimé tel qu’il était ; puis, dans ses brûlantes rêveries, elle l’avait embelli et agrandi jusqu’à l’idéal.

Elle s’en était fait un héros sans modèle, de l’idée de Percy Mortimer, vaguement comprise, lui apparaissait comme un ordre de Dieu.

Et, chose étrange, il n’y avait plus de regret parmi cet amour. Elle attendait l’absent avec espoir, mais sans impatience. Quelque voix au dedans de son cœur lui disait : « Il reviendra pour t’aimer… »

Il revint. Robert Peel avait jugé son intelligence et sa force. C’était, au service de sa pensée