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PREMIÈRE PARTIE.

trop lourd. Il marchait par les sentiers déserts d’un pas lent et pénible. Sa tête se penchait sur sa poitrine comme s’il eût été un vieillard. Un reflet maladif jaunissait son front pâle, et il regardait le vide avec des yeux agrandis où toute flamme s’était éteinte.

Les habitants de Richmond le connaissaient déjà. Les enfants riaient et se moquaient sur son passage en apercevant de loin cette grande taille, enveloppée disgracieusement dans le pauvre carrick irlandais.

Les hommes le prenaient pour un fou, les jeunes ladys se mettaient en frais d’imagination, et bâtissaient quelque roman impossible sur sa morne mélancolie.

Morris passait et ne savait pas
 

C’était l’avant-veille du jour fixé pour le mariage. La nuit se faisait noire. Morris errait tout seul dans la partie des bois qui avoisine la Tamise et s’avance jusque sur le chemin de Londres.

Il n’avait d’autre arme que son shillelah qui soutenait sa marche embarrassée.

À un détour du chemin il se sentit frappé violemment par derrière ; par devant deux couteaux levés menaçaient sa poitrine.