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PREMIÈRE PARTIE.

assiettes d’étain sur la table à la place de chaque convive.

Et partout où elle allait, Owen la suivait, dérobant çà et là un baiser, échangeant un sourire contre une douce parole…

Les bestiaux, qui étaient rentrés d’eux-mêmes à la chute du jour, se couchaient de l’autre côté de la corde et prenaient fraternellement l’herbe du soir.

Les deux grands chiens de montagne, accroupis des deux côtés du foyer, chauffaient leurs pattes dans les cendres et suivaient d’un œil endormi le gai combat du jeune couple.

À voir cette scène de calme et naïf bonheur, vous n’eussiez certes point cru que ce sol était celui de l’Irlande.

L’illusion vous eût emporté loin, bien loin de ce malheureux pays où les passions s’agitent avec frénésie et hâtent l’action mortelle du poison de la misère.

Tout aurait disparu à vos yeux, l’effort désespéré de la tyrannie orangiste, la sanglante colère du ribbonman et jusqu’aux bruyants échos de cette agitation interminable dont le fracas essaye d’étouffer la menace des deux partis qui sont en présence et se regardent.

Owen avait à peu près, vingt-trois ans, son