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PREMIÈRE PARTIE.

Mahony n’avait qu’un pas à faire pour se rendre au poste où nous l’avons aperçu dans la matinée.

C’était un homme de près de cinquante ans, aux cheveux noirs, crépus, parmi lesquels couraient çà et là quelques poils gris ; il avait une figure vigoureusement caractérisée, où les lignes se heurtaient avec rudesse, et qui dénotait plus d’énergie que d’intelligence.

Son histoire était celle d’un grand nombre de ses compatriotes. Il avait possédé sans bail une petite ferme au bord des lacs ; une année de détresse était venue, et l’agent du landlord l’avait impitoyablement chassé.

Mahony avait une femme et des enfants : bien longtemps il courut de village en village, demandant du travail pour ses robustes bras.

Il n’y avait point de travail.

Dans le Connaught, le pauvre tenancier qui se meurt de faim entre les murs nus de sa cabane n’a pas de quoi payer le labeur d’autrui.

Mahony avait mendié.

Mais là où chacun manque du nécessaire, qui donc pourrait faire l’aumône ?

Il y a bien en Irlande des mains secourables qui se tendent vers le malheur. Hélas ! ces mains sont vides le plus souvent, et le clergé catho-