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PREMIÈRE PARTIE.

comme il faudra des années de bien-être pour guérir la plaie chronique de la misère…

À travers la froideur habituelle du major Percy Mortimer, on eût distingué dans son regard, tandis qu’il traversait cette foule déguenillée, une pitié grave et profonde. Il perça lentement les groupes qui s’étaient ouverts pour lui donner passage, et son geste courtois répondit aux saluts de la foule.

Quand il fut passé, des murmures timides s’élevèrent. Patrick Mac-Duff remit son chapeau sur sa tête, ferma son gros poing et fit un geste de menace silencieuse.

À mesure que le major s’éloignait, le murmure grossissait. Quand le major eut tourné l’angle de la rue, le murmure se changea en une formidable clameur.

— À bas le Saxon ! cria Mac-Duff.

On fit chorus dans la rue, on fit chorus dans le comptoir, dans le tap, dans le parloir, et à tous les étages de la maison de Janvier O’Neil.

De tous côtés résonnait ce cri répété par mille bouches :

— À bas le Saxon !

On s’agitait, on brandissait les shillelahs ; on s’attaquait avec une frénésie folle à l’ennemi absent.