Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 1.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
PREMIÈRE PARTIE.

que développe en eux le moindre instant de bien-être.

Ils s’amusaient sans mesure comme sans arrière-pensée ; ils ne songeaient point à la faim du lendemain ; ils se donnaient tout entiers à leur joie enfantine et oubliaient jusqu’à la haine qui les soulève contre leurs oppresseurs.

Il y avait là sans nul doute bien des membres de ces associations criminelles et terribles qui désolent l’Irlande ; la moitié peut-être de ces malheureux avait allumé dans l’ombre de la nuit la torche vengeresse et signé la redoutable quittance que Molly-Maguire envoie aux agents des landlords. En ce moment, grâce à la versatilité du caractère national, toutes les figures exprimaient une allégresse uniforme. On s’ébattait avec complaisance ; toutes les consciences étaient légères, et, en fouillant jusqu’au fond toutes ces âmes, vous n’y eussiez point trouvé un seul remords.

Au dehors comme au dedans de l’auberge papiste, c’était mouvement incessant, une agitation sans frein. Vous eussiez dit des gens qui viennent de remporter une grande victoire, et il semblait que ce mot de Repeal, crié sur tous les tons, était le chant de triomphe de l’Irlande enfin délivrée.