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PREMIÈRE PARTIE.

des cris de joie ou de colère, de longs murmures, des bravos, des éclats de rire.

Chaque fenêtre ouverte donnait issue à un concert de chants et de clameurs.

On voyait à l’intérieur des ligures empourprées, de longs cheveux qui s’agitaient, des bras à demi nus qui se démenaient avec une vivacité frénétique.

La rue était encombrée, dans une longueur de vingt-cinq à trente pas, par le trop plein de l’auberge catholique. Le long des maisons, sur le pavé humide et jusque dans le ruisseau, on voyait une cohue débraillée, drapée dans des haillons inouïs, qui buvait, qui buvait sans cesse et emplissait la rue d’un infernal tapage.

Janvier O’Neil tenait cave ouverte pour le compte de Derry, comme Saunder Flipp pour le compte de Sullivan.

Des deux côtés, les mœurs étaient pareilles et les séductions semblables. On s’adressait avec un égal sans-gêne aux instincts grossiers des pauvres électeurs. Le potteen de Saunder valait l’usquebaugh de Janvier. Les caves du Roi Malcolm n’étaient pas plus inépuisables que les celliers du Grand Libérateur.

De part et d’autre la balance s’établissait au