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LA BANDE CADET

Du reste, les époux Jaffret eux-mêmes n’étaient pas sans donner ample pâture aux bavardages environnants. Autour de Saint-Paul, beaucoup de gens se demandaient ce qu’ils pouvaient bien faire dans cette vaste maison avec leur nièce et deux domestiques seulement : une cuisinière qui servait de bonne et un valet de chambre.

La cuisinière ne causait jamais chez les fournisseurs ; le valet de chambre, homme de cinquante ans, aurait pu passer pour un rentier quand il allait, le soir, lire le Constitutionnel à son petit café de la place Royale. Il s’appelait Laurent. Au café, on ne l’avait jamais entendu prononcer que deux phrases : « Monsieur, j’ai l’honneur de retenir la gazette après vous, » et quand on lui tendait le journal : « Monsieur, j’ai l’honneur de vous remercier. »

Au Marais, c’est un peu la province, je ne sais pas même si les cancans du Marais ne sont pas d’espèce plus vivace et plus foisonnante que ceux de Romorantin. Les Jaffret étaient très riches, on disait cela, mais on disait aussi tout le contraire ; ils passaient à la fois pour d’excellentes gens et pour de vilaines gens. La maison qu’ils habitaient depuis longtemps déjà avait appartenu aux Fitz-