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LA BANDE CADET

Et, en vérité, il y avait dans la miraculeuse beauté de cette femme quelque chose d’intact et de froid qui appuyait son dire et répétait : « Personne ! »

— Vous ne me croyez pas, reprit-elle en laissant glisser autour de sa belle bouche un demi-sourire tout plein de mélancolie, je ne regarde pas souvent du côté de mon passé, qui est si triste. — Je n’ai aimé (de la façon que vous entendez), ni mon bon Abel, qui laisse dans ma pensée un doux, un exquis souvenir, ni vous, qui aviez surpris pourtant mon imagination comme un prince des contes de fées ; Abel était mon ami, et vous, avant de me délaisser, deux fois mère que j’étais, vous viviez en esclave, prosterné à mes genoux.

— Et depuis lors ?

Le sourire d’Angèle eut d’orgueilleux rayons.

— J’avais mon fils, dit-elle.

— Lequel ? demanda le duc.

— J’avais mes deux enfants, rectifia Angèle avec un peu de confusion.

— Lequel ? répéta M. de Clare, dont les yeux demi-clos la couvraient d’un regard intense. Duquel parliez-vous quand vous avez dit : « J’avais mon fils. »