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LA BANDE CADET

— Je mourrai en t’aimant ! balbutia-t-il.

Puis, cherchant sa respiration, qui le fuyait :

— Si tu m’avais aimé, Angèle, toi, mon rêve et mes délices ! toi, la folie de mes sens et de mon âme, Angèle ! Angèle ! mon cœur, mon ivresse ! Ah ! si tu m’avais seulement aimé !

Elle pâlit, parce qu’elle pensa :

— Il va mourir.

Et elle poursuivit, de ce ton doux et froid qu’elle avait au commencement de l’entrevue :

— Vous me demandiez alors ce que je ne pouvais pas donner, vous fûtes impitoyable…

— Pour moi-même encore plus que pour vous, madame, acheva le duc, qui sembla s’éveiller d’un songe. Je quittai la maison que j’avais choisie pour en faire mon paradis, et je me plongeai, à corps perdu, dans l’infernale orgie où j’ai enfin trouvé la mort. Il a fallu du temps pour accomplir ce suicide…

— Vous étiez si jeune ! soupira Angèle, dont la voix tremblait à son insu, et si fort… et si beau !

Le malade joignit les mains et dit avec un accent de prière :

— Alors, répondez-moi, je vous en supplie,