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LES HABITS NOIRS

Les badauds se racontaient les uns aux autres ces divers détails tragiques et passaient, en somme, une agréable journée.

La justice informait.


Dans l’appartement du jeune comte Hector de Sabran, assez bien remis du coup de canne plombée qui l’avait terrassé la veille, sous les arbres du quai d’Orsay, nous eussions rencontré tous les personnages de notre drame, rassemblés autour du lit de Justin de Vibray.

Le chirurgien venait d’extraire la seconde balle et répondait désormais de l’existence du blessé.

C’était Médor qui avait servi d’aide pendant l’opération.

Toute la matinée on avait craint que Justin ne survécût point à l’extraction des balles ; aussi, à tout événement avait-il voulu mettre d’avance la main de mademoiselle Justine de Vibray, sa fille, dans celle d’Hector de Sabran.

Maintenant il dormait paisiblement, tandis que Lily et Justine, les yeux mouillés de larmes heureuses, penchaient leurs sourires au-dessus de son sommeil.

Échalot et madame Canada regardaient cela, et la célèbre Amandine, parlant au nom de la communauté, disait avec fierté mais la larme à l’œil :

— On sait se tenir à sa place. Nous n’appartenons pas à la même catégorie dans les castes de la société moderne, par conséquence on fera en sorte de ne point se rendre à charge à des personnes qui n’oseraient pas nous dire : fichez-nous le camp, par suite des sentiments de leurs cœurs généreux.

— Mais néanmoins, ajouta Échalot dont la pauvre voix tremblait, on sollicite la permission d’assister dans un coin au mariage d’abord et puis au baptême… en plus, de venir tous les ans voir un peu comment se porte notre ancienne fille.


Post-scriptum. Quant à monsieur le marquis Saladin de Rosenthal, nous verrons quelque jour peut-être comment il employa l’argent de la Compagnie brésilienne, et sur quel noble théâtre il eut l’honneur de s’étrangler en avalant son dernier sabre.