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L’AVALEUR DE SABRES

elle avait été trompée, mais le cœur soulevé aussi par d’immenses élans de joie.

Quand elle eut achevé, sa tête s’inclina sur sa poitrine.

— C’est le nom que m’a dit Hector, murmura-t-elle, le nom de celle qu’il aime et que j’aimais en l’écoutant… Saphir !

Dans le silence une douce voix s’éleva qui dit :

— Vous m’appelez, madame, me voici, je suis Saphir.

La duchesse, stupéfaite, leva les yeux. À quelques pas d’elle, la lumière éclairait une jeune fille, belle, plus belle que ses rêves de mère amoureuse.

Madame de Chaves voulut s’élancer hors de son lit et serait tombée sur le tapis, si Saphir ne l’eût retenue dans ses bras.

Lily, pendue ainsi au cou de la jeune fille, et baignant son regard dans ses grands yeux bleus fixés sur elle avec des larmes, balbutiait :

— C’est toi, cette fois ! je t’ai si souvent revue ! c’est toi, mais bien plus belle !… Oh ! je suis éveillée et j’ai ma fille sur mon cœur !

— Puissiez-vous dire vrai, madame, répliqua Saphir, car toute mon âme s’élance vers vous. Mais je viens vous parler d’Hector qui est peut-être en danger de mourir.

La duchesse ne comprenait point. Saphir se dégagea de ses bras et courut vers le secrétaire ouvert où il y avait des plumes, de l’encre et du papier.

Elle écrivit rapidement deux lignes.

« Cher père et chère mère, rassurez-vous je suis sauvée. Un autre reste en péril ; prenez avec vous nos hommes et courez dans l’avenue du quai d’Orsay ; à la hauteur du pont de l’Alma, vous trouverez un blessé et vous lui donnerez votre l’aide pour l’amour de moi. »

— Hector blessé ! dit la duchesse qui lisait par-dessus son épaule.

Saphir pliait déjà la lettre. Elle sonna elle-même.

— Vous allez envoyer sur-le-champ, madame, dit-elle, une personne sûre.

— Si nous allions ?… commença Mme de Chaves.

— Nous irons… ou du moins j’irai, car vous êtes bien faible, mais il faut envoyer d’abord.

Une femme de chambre se présentait. Saphir la regarda en face.

— Celle-ci est dévouée, n’est-ce pas ? demanda-t-elle à madame de Chaves.

La duchesse répondit :

— Je suis sûre d’elle.

L’instant d’après, Brigitte partait en courant avec les instructions précises qui devaient lui faire trouver le théâtre Canada. Elle avait ordre d’éveiller, en passant dans la cour, le cocher de madame la duchesse et de faire atteler.