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nel ouvrit sa boîte d’or et grommela entre ses dents :

— Drôle de fillette ! drôle de fillette !

Valentine attendit un instant, puis, d’un ton sérieux et rassis :

— Il faut me pardonner, madame, dit-elle, je n’ai point voulu vous manquer de respect. Vous savez bien que je vous aime comme si vous étiez véritablement ma mère.

Pour la seconde fois, la marquise l’attira contre son cœur, pendant que le colonel humait quelques grains de tabac d’un air songeur.

— Ils s’aimeront trop, dit-il en ricanant ; dans ce petit ménage-là les baisers auront des dents et les caresses des griffes.

Valentine eut un froncement de sourcil qui se termina en sourire. Elle retrouva l’exquise douceur de sa voix pour dire tout bas :

— Bon ami, si vous pouviez voir le fond de mon âme, vous ne vous moqueriez pas de moi.

Puis elle ajouta plus bas encore :

— Est-ce bien vrai ? M. Remy d’Arx a-t-il réellement demandé ma main ?

— C’est bien vrai, chérie, répliqua la marquise ; as-tu pu croire qu’il fût possible de plaisanter sur un pareil sujet ? Veux-tu réfléchir, te consulter ? Veux-tu un jour, deux jours ?

— Non, dit Valentine, qui se leva toute droite, je n’ai pas à me consulter, je suis décidée.

Ces mots furent prononcés d’un tel accent que Mme d’Ornans regarda le colonel avec inquiétude.