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La marquise venait de gagner trois robs au whist ; elle céda ses cartes au cousin de Saumur parce que le colonel lui avait dit à l’oreille :

— Madame, je désirerais vous parler en particulier sur-le-champ.

Le colonel lui offrit son bras, et ils se dirigèrent vers le boudoir, dont la porte s’ouvrait vis-à-vis de la serre.

— Est-ce qu’il s’est déclaré ? demanda la marquise.

— Formellement.

— Alors, nous parlerons à la chère petite dès demain.

— Nous lui parlerons dès ce soir.

— Comment ! ce soir, s’écria Mme d’Ornans.

— Chère madame, répondit le colonel Bozzo, qui s’était assis dans son attitude favorite, les jambes croisées l’une sur l’autre, et qui tournait déjà ses pouces, vous n’avez pas idée de cette passion-là ; le feu est à la maison.

— En vérité ! fit la marquise en riant, le superbe Hippolyte a trouvé son Aricie ?

— Qu’y a-t-il donc ? demanda Valentine en passant le seuil du boudoir. Francesca m’a enlevé mon cavalier au moment où nous allions entamer un cotillon ; elle m’a dit que j’étais attendue ici pour une communication importante.

Elle souligna ce mot et vint s’asseoir sur un tabouret, entre la marquise et le colonel.

Ceux-ci souriaient tous les deux. Ce fut la marquise qui prit la parole.