Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La comtesse ainsi congédiée prit le bras de son grand-père et l’entraîna vers le salon.

Elle tourna encore un regard vers Remy d’Arx, qui s’était assis derrière la touffe de yucca, la tête entre ses mains, et ce fut avec une ardente, une jalouse admiration qu’elle murmura :

— On peut donc être aimée ainsi !

Le colonel était de ces comédiens qui ne s’oublient jamais en scène et jouent jusque dans la coulisse.

— Que va dire la marquise ? murmura-t-il, comme s’il se fût parlé à lui-même.

— Oh ! père, s’écria Francesca, la marquise est préparée, la marquise va être enchantée ; dans toute cette affaire-là, il n’y a que toi de surpris.

— Et tu sais, ajouta-t-elle, c’est bien vrai, ce que je disais tout à l’heure : cette chère Valentine est suspendue aux lèvres de M. d’Arx dès qu’il cause. Quand il parlait l’autre soir de cette mystérieuse association, qui me fait peur parce qu’elle ressemble à des choses vagues dont je me souviens ou que j’ai rêvées au temps où nous habitions en Corse, elle dévorait ses moindres mots. Je ne suis pas la seule pour m’être aperçue de cela : ces demoiselles en chuchotent et en rient.

— Ah ! fit le colonel d’un air distrait, ces demoiselles ! voilà qui est grave. Quelle singulière chose que l’âge ! moi je n’ai rien vu du tout.

Le salon était rempli et le petit bal s’agitait gaiement.

Valentine, animée par la danse, resplendissait de beauté.