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— Il n’y a rien au monde de si charmant que toi, père, bon père, s’écria-t-elle. Puisque tu es avec nous, la bataille est gagnée. À genoux, Remy, et remerciez votre sauveur !

— Folle que tu es ! dit le colonel ; tu est seule à te réjouir ; tu vois bien que Remy garde le silence.

Un instant ils restèrent muets tous les trois ; puis la comtesse reprit, essayant en vain de garder sa gaieté :

— Il n’y a pas dans l’univers entier deux hommes comme celui-là. Il aime tant que sa torture même lui est chère, et qu’il a peur de regretter le tourment de son incertitude.

— Tout cela est fort joli, déclara le colonel, et j’ai peut-être été ainsi il y a soixante-dix ans ; mais j’avoue que je ne m’en souviens plus. Je demande purement et simplement à M. d’Arx s’il lui convient que je porte la parole en sa faveur.

— Colonel, répliqua Remy d’Arx, qui se redressa et dont la voix se raffermit, je connais votre amitié dévouée, j’en suis profondément reconnaissant ; je sais du reste que je ne pourrais choisir un meilleur avocat que vous ; faites donc pour le mieux et recevez mes remerciements à l’avance. Vous m’accusez à bon droit de lâcheté ; j’aurais voulu, je le confesse, retarder ce moment où mon arrêt va être prononcé, l’arrêt de ma vie ou de ma mort. Quoi qu’il arrive, ne me trompez point, je vous prie, et que la réponse de Mlle de Villanove me soit transmise dans les termes mêmes où elle aura été prononcée. J’attendrai ici ; je désire être seul.