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période de maturité, la confrérie des Habits-Noirs garda son but en changeant ses moyens. Le crime était toujours l’objet unique de son commerce, mais non plus le crime brutal, accompli aux risques et périls du malfaiteur. Le Maître, ou, pour parler la langue technique des Veste-Nere, le Père-à-tous (il Padre d’ogni), homme impassible et rusé, noble de naissance, ruiné dès longtemps par le jeu, mais ayant toujours gardé de grands dehors, avait précisément ce qu’il fallait pour organiser la terrible cité du brigandage international.

Les circonstances le favorisèrent ; la restauration des Bourbons mit l’Europe en trouble juste au début de son entreprise, et fit de Paris une foire cosmopolite où les romans les plus audacieux pouvaient se nouer impunément.

Ce fut pendant cet âge d’or de la fraude où le comte Pontis de Sainte-Hélène, forçat évadé, commandait une légion de la garde nationale parisienne et passait la revue du roi dans la cour des Tuileries, que s’organisa aisément, au milieu du tohu-bohu politique, ce qu’on pourrait appeler la commandite générale du meurtre et du vol.

L’histoire de cet étrange comptoir n’a point de pièces justificatives, parce que le principe même de sa formation élevait une barrière entre lui et les tribunaux. C’est presque toujours l’instruction criminelle qui rassemble ou qui crée les matériaux