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C’est encore là, dira-t-on, un moyen de parvenir. Tel ouvrage de doctrine ou de jurisprudence bien fait, bien appuyé et lancé à l’heure propice, est un outil excellent pour percer le trou par où les réputations sérieuses jaillissent parfois hors de terre comme des champignons.

Mais le travail de Remy d’Arx, quel qu’il fût, ressemblait un peu à celui de Pénélope ; il se continuait sans cesse et ne s’achevait jamais.

À propos de ce travail, le meilleur ami de Remy d’Arx, l’excellent colonel Bozzo-Corona, laissait volontiers deviner qu’il en savait un peu plus long que les autres. Quand on l’interrogeait à ce sujet, il souriait bonnement, caressait la boîte d’or émaillée sur laquelle l’empereur de Russie lui avait donné son portrait, et murmurait tout doucement :

— Il y avait longtemps que personne ne cherchait plus la pierre philosophale !

Mais il ajoutait tout de suite en prenant un air sérieux :

— Il ira loin, fiez-vous à moi ! et s’il la cherche, je ne connais au monde que lui pour être capable de la trouver.

Et, en vérité, ce beau Remy d’Arx, avec ses traits pâles, son regard inspiré, son grand front déjà dégarni de cheveux sous lequel semblaient lutter silencieusement la passion et la pensée, avait un peu la physionomie que notre imagination prête aux mystiques ouvriers du grand œuvre.

Malgré son apparente gravité, l’esprit d’aventure n’était pas mort en lui ; il avait eu une jeunesse