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ciers qui ont leur valeur notée et qu’on mettra en lumière vienne le premier coup de canon. Les supérieurs de Remy d’Arx n’ignoraient point que le ministre avait l’œil sur lui et ils le traitaient en conséquence.

La ressource des envieux était de dire qu’il appartenait à une puissante famille de robe, et qu’il arriverait en dépit de tout par cette sorte de droit de succession qui, malheureusement, n’est pas sans influence sur les fortunes judiciaires en France.

Il y avait du reste une circonstance qui permettait aux prophètes de prédire à coup sûr en donnant une grande valeur aux titres que Remy d’Arx aurait pu faire valoir pour son avancement. Son père, procureur général près d’une des cours du midi, était mort violemment dans l’exercice de ses fonctions et en quelque sorte sur la brèche.

C’était une très dramatique histoire.

Mais de tout cela on peut dire que le jeune juge d’instruction s’inquiétait médiocrement.

Dans tout le tribunal de la Seine, il était peut-être l’homme que la question d’avancement personnel préoccupait le moins. Jamais il n’avait rien sollicité ; il remplissait ses fonctions avec zèle, parce que sa vocation de magistrat était très fortement développée, il allait droit son chemin, parce qu’il était l’honneur même ; mais loin de chercher les occasions de se pousser, il semblait fuir le monde officiel et employer les heures que ses fonctions laissaient libres à un travail opiniâtre dont nul ne connaissait bien la nature.