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l’intérêt qui ne peut manquer de s’attacher à une position romanesque. Il était gras et même un peu joufflu ; son nez aquilin, mais charnu et un peu court, avait précisément cette forme qu’on est convenu d’appeler bourbonienne ; son habit bleu semblait taillé sur le patron de celui que les gravures prêtent au comte de Provence de 1810 à 1815. Il portait les cheveux ramenés en arrière et rattachés en une petite queue, qui laissait au collet une légère trace de poudre.

Ce genre de coiffure ne courait assurément plus les rues en 1838, mais vous en eussiez trouvé encore plus d’un spécimen dans les vieux hôtels du faubourg Saint-Germain.

Le prêtre était un chanoine de la cathédrale de Paris qui occupait ses vieux jours à rassembler les matériaux d’un livre intitulé : Histoire miraculeuse du dauphin, fils de Louis XVI.

Entre ces deux figures insignifiantes, la tête du colonel, énergique et fine, ressortait vivement.

C’était un homme de taille moyenne, maigre, vêtu avec la simplicité qui convient à son âge, mais portant merveilleusement l’habit noir. Bien des gens croyaient qu’il plaisantait lorsqu’il se vantait lui-même d’avoir plus de quatre-vingt-dix ans. Malgré ses rides, en effet, le dessin de ses traits restait net et harmonieux. Il avait dû être très beau, et avait dû garder longtemps sa beauté.

Maintenant encore je ne sais quel charme restait autour de ce front d’ivoire, garni de rares cheveux blancs. Il y avait dans son sourire une spirituelle