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La contrefaçon se glisse partout, même dans le sombre commerce qui brave le bagne et l’échafaud. Quelques vulgaires coquins vinrent un jour s’asseoir sur les bancs de la cour d’assises, où ils avouèrent, non sans un naïf orgueil, qu’ils étaient les Habits-Noirs. C’était là une vanterie : s’ils eussent été les Habits-Noirs, la cour d’assises ne les aurait pas jugés.

En effet, la base même de l’association du FERA-T-IL JOUR DEMAIN était la sécurité presque merveilleuse dont jouissaient tous ses membres, au moyen du mécanisme savant qui, pour eux, « payait la loi. » Pendant les trois quarts d’un siècle, la justice et la police firent le siège de cette étrange forteresse sans jamais pouvoir y entrer ; une muraille magique semblait la ceindre, et n’eussent été les quelques filous à la tête desquels un vaudevilliste sans ouvrage vint jouer au Palais la dernière scène de sa piteuse comédie, on pourrait affirmer qu’aucune trace de cette raison sociale, si tristement légendaire : LES HABITS-NOIRS, n’existe dans les différents greffes de l’Europe.

Et pourtant, il est bien avéré que la confrérie promenait son quartier général tantôt à Paris, tantôt à Londres. Sous la monarchie de Juillet, les capitales allemandes, Vienne, Berlin, Dresde, Munich, lui fournirent d’abondantes récoltes. Du temps de la Restauration, Naples, qui était son berceau, l’avait