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Le mariage lui-même n’aurait point apaisé ses craintes ni calmé son trouble.

Même devant le magistrat qui rapproche légalement les deux époux, devant le prêtre même qui bénit leur union, il aurait refusé de croire.

Une voix criait dans sa conscience : Tout ceci est mensonge, il n’y a de vrai que les coups répétés et implacables de l’arme mystérieuse…

Il s’absorbait dans sa lecture à chaque instant davantage, il n’entendait plus les bruits qui venaient du salon ; rien n’existait pour lui en dehors de la pensée qui le charmait et l’opprimait.

Ces pages, c’était Valentine elle-même ; il lisait comme on s’enivre.

La pâleur de son visage était livide, il y avait à son front des gouttes de sueur glacée, il lisait toujours.

Il s’arrêta pourtant, car ses yeux se voilaient quand il arriva au passage où Valentine dépeignait les premiers mouvements de son cœur.

Le nom de Maurice le choqua comme un outrage ; la force lui manqua, et il laissa aller le manuscrit.

— Qu’ai-je fait à Dieu, murmura-t-il, pour qu’il m’ait infligé cette torture ? Je l’aime et je brise sa vie ! jamais elle ne pourra m’aimer, et c’est en vain que je l’entraîne au fond de mon malheur !

Ses yeux tombèrent sur les trois lettres que le domestique venait d’apporter ; les adresses des deux premières étaient de deux plumes amies ; il ne reconnut point l’écriture de la troisième.