Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suspendue au-dessus de ma tête, elle m’a blessé déjà, blessé à mort !

Les beaux yeux de Francesca exprimèrent cette inquiétude caractéristique que font naître les paroles d’un malade qui délire.

Le juge sourit amèrement et murmura :

— Vous voyez bien ! et pourtant les effets de cette arme ne se montrent-ils pas assez cruellement ? Ce matin, je me suis regardé dans la glace et je ne me suis pas reconnu. Voici quinze jours entiers que je vis avec la fièvre, ou plutôt que je meurs peu à peu, empoisonné par la certitude de mon malheur et par le mépris de moi-même.

Je ne sais rien de Valentine, sinon, et très vaguement, les traverses de son enfance, son amour pour ce jeune homme… Oh ! ne la défendez pas, madame, je suis bien loin de l’accuser…

Une fois, Valentine me dit en m’apportant des papiers : « Ceci est ma confession, » mais elle se ravisa sans doute, car je ne retrouvai point ces papiers à la place où elle les avait mis, et depuis quinze jours, c’est à peine si nous avons échangé quelques paroles.

Elle m’évite, et, faut-il le dire, je crois que je la fuis. Notre union se fait en dehors de nous par les soins de ce bon, de cet excellent ami, le colonel Bozzo, votre père…

Francesca ouvrit précipitamment le sac de velours brodé d’acier, que toute femme élégante portait en ce temps-là. Elle en retira un large pli en disant :

— Pour cette fois, c’est vous qui m’y faites pen-