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La comtesse serra le bras de Remy en souriant et l’entraîna vers la serre.

— C’est drôle, dit tout bas Mme de Tresme.

— Cette noce-là, repartit le cousin de Saumur, a l’air d’un enterrement.

La comtesse Corona, conduisant toujours Remy, traversa toute la serre et ne s’arrêta qu’à l’extrémité la plus éloignée du salon.

C’était l’endroit même où avait eu lieu, quinze jours auparavant, la première entrevue entre le juge et Mlle de Villanove.

Remy eut ce souvenir, car il porta la main à son front.

— Vous souffrez, lui dit Francesca en s’asseyant auprès de lui ; il y a tant de misères dans ma propre vie que j’ai bien peu de temps à donner à ceux que j’aime le mieux. Je suis peut-être ici la seule à ne point savoir ce qui se passe depuis quinze jours ; je vous croyais au comble du bonheur, Remy, et je m’applaudissais d’avoir été pour quelque chose dans votre joie. Dites-moi pourquoi vous souffrez.

Le juge avait les yeux baissés ; il répondit après un silence :

— Je sens qu’il y a sur moi un horrible malheur.

— Mais pourquoi ? s’écria la comtesse, vous avez l’esprit frappé…

— L’esprit, oui… et le cœur, le cœur surtout !

Il s’arrêta, et la comtesse demanda :

— N’avez-vous plus confiance en moi ?

Le juge releva sur elle son regard découragé.