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manda Lecoq, qui suivait d’un œil curieux le changement de sa physionomie.

— Que veux-tu ? l’Amitié, répliqua le vieillard avec une humilité feinte évidemment, chacun de ces deux chers enfants possède une moitié de notre secret ; en réunissant ce qu’ils savent, on forme un tout et nous sommes de pauvres agneaux marqués pour la boucherie.

— Mais Remy d’Arx, repartit vivement Lecoq, n’a pas encore lu cela ; il suffit d’empêcher que Valentine et lui se trouvent ensemble.

— Puisqu’ils sont fiancés, l’Amitié !

— Fadaises ! il n’est plus l’heure de combiner ces petites comédies, il s’agit de sauver notre peau, et voici mon avis : brûlons d’abord ce satané papier, ensuite nous nous occuperons du Remy d’Arx et de sa Valentine.

Le colonel caressa du regard le manuscrit qu’il tenait à la main.

— Mon fils, dit-il doucement, parmi tous les nôtres, tu es le plus intelligent et le plus capable ; moi, je me fais si vieux, si vieux, que ma cervelle s’en va par morceaux. Je n’ai plus pour moi que ma chance, tu sais, ma chance de possédé. Ceci est dangereux, je l’avoue, très dangereux, mais tous les poisons sont dans le même cas. Mets-toi bien en face de la situation, qui n’a pas changé ; nous ne pouvons rien contre Remy d’Arx tant que nous n’avons pas les deux autres exemplaires de son mémoire. Ne m’interromps pas, je les aurai, j’en suis sûr, mais il faut le temps ; jusque-là, notre seule ressource est l’arme