Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parates. Quelques-uns portaient des blouses, d’autres des paletots plus ou moins déguenillés ; d’autres, enfin, des habits de bon drap, presque propres et assez cossus.

La toilette semblait d’ailleurs être ici un élément de considération assez médiocre ; il y avait des haillons qui parlaient haut et qui obtenaient le sourire des dames, tandis que certaine redingote tolérable gardait la timidité du simple soldat, admis à la table des fourriers. Le lion, car il y a partout un favori qui fait la mode, était un jeune gars de vingt à vingt-cinq ans, avec une toute petite casquette posée de travers sur une forêt de cheveux blonds frisés.

Il jouait en bras de chemise. Il avait des bottes et son pantalon froncé sur les hanches le serrait à la ceinture comme une robe de femme.

C’était lui qui « bloquait » le plus de billes et qui plaçait le plus de « mots. » Son succès était complet ; tous les hommes l’admiraient, toutes les dames le caressaient du regard. Cocotte, c’était le nom qu’on lui donnait, acceptait ces hommages comme une chose due et gagnait gaiement les sous de ses partners en guenilles.

Deux personnes seulement, dans toute l’assemblée, paraissaient ne point s’occuper de lui. C’était d’abord Mme Lampion, qui, selon l’habitude, sommeillait majestueusement derrière son comptoir, et c’était ensuite un homme de taille herculéenne, dont la figure hâve et malheureuse se cachait à demi sous ses cheveux en désordre. Cet homme occupait la table la plus éloignée du centre, à droite de la porte, et