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le grand monde de l’hôtel d’Ornans, comme le petit monde de la foire, l’entourait et l’admirait.

Elle était elle-même, elle agissait suivant son impulsion propre, elle ne demandait conseil qu’à son goût exquis pour les choses frivoles, pour les choses sérieuses qu’à sa conscience.

Dans la conjoncture bizarre où elle se trouvait aujourd’hui, étant donné le but qu’elle voulait atteindre, peut-être eût-il mieux valu s’y prendre autrement, mais elle ne savait qu’une route, elle la suivait.

Remy d’Arx était aussi un solitaire et sa voie s’écartait pareillement des sentiers battus : néanmoins il côtoyait de trop près la vie commune pour n’être point surpris et offensé par la brutalité apparente de cette offre, qui, au fond, exauçait son plus ardent, son unique désir.

Nous l’avons dit, il n’y avait aucun mépris dans l’accent de Valentine ; mais sa proposition même impliquait un mépris si terrible que Remy d’Arx resta comme pétrifié.

Sa passion, qui était sa vie même, subissait une sorte d’écrasement.

À l’heure où, par un miracle, l’abîme qui rendait pour lui l’espoir impossible se comblait tout à coup, la dernière lueur d’espoir s’éteignait en lui.

Son orgueil, humilié profondément, essayait de se révolter contre cet amour qui n’était plus rien sinon une mortelle angoisse, mais qui grandissait par la douleur même et qui le tenait terrassé comme la main d’un géant.