Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne serait-il pas condamné ? Il y a évidence, sinon flagrant délit ; donnez-lui n’importe quel juge, hormis moi, c’est un homme mort.

Un sourire amer releva sa lèvre pendant qu’il poursuivait :

— Je n’ai même pas besoin de dire : Il est coupable ; je n’ai qu’à abandonner l’instruction, un autre prendra ma tâche inachevée et…

Il s’arrêta.

— Et je l’aurai tué ! prononça-t-il tout bas en frémissant.

Ses doigts convulsifs ramenèrent le dossier, dont il éparpilla les pièces pour trouver celle qui n’avait point de signature ; il la déplia et lut à demi-voix la dernière phrase :

« On prouvera qu’il avait conçu le romanesque espoir d’épouser une jeune fille noble dont la dot probable s’élève à plus d’un million. »

— Leur main est là, dit-il après un silence ; je les reconnais ! Vais-je me faire le complice de ceux qui ont assassiné mon père ?

Il se leva brusquement et resta un instant immobile.

— C’est un tout jeune homme, pensa-t-il pendant que ses mains pressaient son front douloureusement ; son regard loyal reste devant mes yeux. Il y a des gens dont les cœurs sont frères et que la destinée force à se haïr… Ma main a touché sa main, je lui ai promis de le sauver !

Il marcha d’un pas lent vers la fenêtre qui donnait sur la cour de la Sainte-Chapelle.