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m’ôtaient jusqu’à la volonté de me défendre. On disait : « L’assassin est là ! » et j’y étais, et comme j’avais essayé de secourir mon malheureux voisin, son sang couvrait mes mains et mes habits. Le concierge de la maison allait répétant une phrase terrible, réellement prononcée par moi et qui se rapportait à un tout autre ordre d’idées, mais elle venait en aide à l’échafaudage des indices qu’on avait entassés autour de moi et semblait compléter l’évidence.

J’aurais dû rester, je le sais, et attendre le danger de pied ferme ; c’est mon métier de soldat. Fuir, c’est crier : Je suis coupable ; mais j’avais été frappé à l’improviste, nul éclair n’avait précédé ce coup de foudre. Une seule chose m’occupait, je dois le dire : c’était la conscience de mon apparente culpabilité. Mes jambes tremblaient, mon regard se voila, et j’entendis autour de mes oreilles un murmure horrible qui était le bruit de la foule rassemblée autour de l’échafaud.

J’eus peur jusqu’à perdre la raison. Au moment où ceux du corridor entraient à la fois par la porte du numéro 17, qui était ma chambre, et par la porte du numéro 18, où le cadavre gisait, j’étais fou. Je sautai sur l’appui de la fenêtre sans dessein arrêté ; je pense que mon envie était de me laisser tomber dans le jardin, mais mon pied rencontra les barreaux d’un treillage où des plantes grimpantes s’enlaçaient.

Rompu comme je le suis à tous les exercices gymnastiques, je n’eus aucune peine à suivre ce chemin