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C’est à peine s’il y prit garde, car il était retombé déjà au plus profond de son rêve.

Il croyait travailler, et sa pensée l’emportait vers la soirée de la veille ; il se voyait au bras de la comtesse Corona épanchant pour la première fois le trop plein de son cœur ; il s’écoutait lui-même confessant les ardeurs, les timidités, les douleurs et les joies de cet immense amour qui était entré malgré lui dans sa vie, et qui désormais était sa vie tout entière.

Tout lui revenait : les étonnements de Francesca, l’intérêt si vif et si franc qu’elle avait pris à sa peine, et jusqu’à ces gaietés de femme du monde pleine d’admiration et de pitié.

— Depuis le déluge, avait dit la comtesse, on n’a rien vu de pareil !

Et c’était bien vrai, du moins Remy le croyait ainsi.

Ce qu’il avait vu, ce qu’il avait lu ne lui fournissait aucun point de comparaison ; rien ne ressemblait à la chère, à la brûlante tyrannie exercée sur tout son être par cet amour dont la puissance lui apparaissait invincible.

C’était une maladie, une fièvre, un délire qui exaltait au même degré les sens, l’imagination et l’âme.

L’image évoquée de Valentine le plongeait dans une extase sans nom où il se sentait mourir à force de trop vivre ; il la voyait belle comme les éblouissements de son martyre enchanté, il écoutait au loin les harmonies pénétrantes de sa voix et buvait à longs traits le philtre magnétique qui jaillissait de ses prunelles.